
« C’est avant tout l’âme européenne qui est en dormition. Quand viendra le grand réveil ? Je l’ignore et certainement je ne le verrai pas. Mais de ce réveil je ne doute pas une seconde. L’esprit de l’Iliade est comme une rivière souterraine toujours renaissante et intarissable. »
Dominique Venner
En 2003, nous étions une poignée dans l’Hérault pour le premier « camp d’été identitaire » alors initié par Guillaume Luyt, fort de ses expériences passées au sein de l’Action Français et comme directeur du Front National de la Jeunesse. Pendant cinq ans, ensuite, j’ai moi-même secondé Guillaume puis organisé ces rendez-vous de formation et de cohésion, avant de passer la main à mon tour.
Au mois d’août cette année, ce sont près d’une centaine de jeunes militants et militantes qui ont participé à l’Université d’été identitaire – une onzième session estivale donc, ce qui en fait une institution pérenne de la résistance enracinée – dans le Vercors. J’ai été invité par son principal organisateur, Jean-David Cattin, à y prononcer une conférence et assurer certains ateliers de formation. J’ai ainsi pu constater par moi-même le superbe état d’esprit qui régnait cette année parmi les participants, conséquence sans doute d’une année exceptionnelle démarrée à Poitiers et conclue sur le toit du siège du PS rue de Solferino.
Lors de cette Université d’été, j’ai pu voir d’autres fruits du travail effectué depuis dix ans. Tout d’abord, l’immense majorité des interventions et formations étaient assurées par des formateurs issus de nos rangs et passés eux-mêmes par les camps d’été, démontrant ainsi que les identitaires sont désormais – et peut-être avant tout selon moi – une véritable école de formation. Très important aussi à mes yeux, le mouvement identitaire est (enfin) devenu une pépinière d’initiatives culturelles, ce qui contrairement à ce que l’on pourrait croire n’est pas le plus simple. Ainsi le concert acoustique du samedi soir, pour la traditionnelle journée de clôture, était animé par deux duos folk très prometteurs nés au sein de la communauté militante.
Des garçons et filles – désormais hommes et femmes – passés par cette belle école de la vie qu’est le militantisme « activiste » et cette belle école de formation évoquée plus haut s’efforcent désormais de continuer à agir dans la cité : ils occupent des responsabilités dans d’autres sphères du mouvement identitaire, ils écrivent des essais à succès, ils organisent des fêtes populaires enracinées, ils travaillent auprès d’élus, ils sont journalistes, ils sont musiciens, ils sont avocats, ou encore dirigeants d’ONG. Et puis beaucoup aussi, tout en étant restés au contact de la communauté, n’ont plus forcément d’engagement de premier plan mais s’efforcent d’être d’honnêtes citoyens, de bons chefs d’entreprise ou de bons pères et mères de famille. Ce qui, vous en conviendrez, n’est pas non plus si facile de nos jours.
A propos de la famille, je considère aussi que dans le printemps français vécu l’an dernier à travers la mobilisation contre la loi Taubira beaucoup de choses que nous avions théorisé ou testé à petite échelle ont pu s’exprimer plus largement. Le plus important étant à mon avis cet état d’esprit joyeux et souriant que nous nous sommes toujours efforcés d’insuffler à la lutte, en nous affirmant comme la première ligne et surtout pas le dernier carré. Je ne sais pas s’il y a lieu de parler d’influence directe, mais je ne crois pas non plus que nous y soyons totalement étrangers. C’est d’ailleurs une règle en politique : rien n’est jamais vain. Un message perçu peut produire un effet bien plus tard, et rebondir là où on ne l’attendait pas, quand on ne l’attendait plus.
La participation d’Autrichiens, Suédois, Italiens, Flamands et Allemands à l’Université d’été en atteste : l’école de formation identitaire, le « style identitaire », a désormais fait des émules hors de nos frontières. La « Déclaration de guerre » vidéo de Génération Identitaire a été un véritable détonateur. Traduite (à travers des initiatives spontanées !) dans quasiment toutes les langues du Vieux Continent, cette vidéo a marqué les esprits. Des groupes structurés, s’inspirant directement de l’expérience française, existent désormais dans plusieurs autres nations européennes et des embryons se signalent peu à peu dans quasiment tous les pays. C’est à la fois une fierté et un espoir. A travers les échanges et les rendez-vous communs (en-dehors de l’Université d’été, un forum a aussi été organisé à Lyon, et j’ai été pour ma part invité en Suède) on peut s’enthousiasmer et rêver l’émergence, à l’échelle continentale, d’une génération de cadres politiques soudés.
Evoquant tout cela, je constate avec vous le chemin que nous avons parcouru. Mais pour autant, nous sommes encore loin d’être arrivés. A Ulysse, il aura fallu dix ans. Il nous faudra manifestement un petit peu plus, et cela signifie donc, comme pour le rusé Grec, encore d’autres épreuves : des tentations, des trahisons, des affrontements, des tempêtes. A nous, à vous, de faire que le navire garde le cap.
Le chemin parcouru indique aussi celui qu’il reste à parcourir, avec à mes yeux deux sentiers sur lesquels le mouvement identitaire – ou en tout cas des personnes en étant issues – doit s’engager.
Tout d’abord, il est impératif d’accroître notre présence dans le secteur associatif, en développant des associations ou en en rejoignant. Chaque militant identitaire devrait diriger au moins une association et participer à cinq autres ! Malgré quelques réussites, dans le domaine associatif jusqu’ici nous parlons et écrivons davantage que nous ne faisons. Ce maillage de la société, dans tous les secteurs, est un impératif et devrait être la mission primordiale de tous ceux qui se situent en retrait de l’activisme (de par leur situation personnelle ou leur âge) et ne souhaitent pas s’investir non plus sur le terrain électoral.
S’agissant de ce dernier justement, pour que la lutte identitaire s’inscrive désormais pleinement dans l’espace public, il est nécessaire que des hommes et femmes issus de nos rangs et/ou passés par notre école de formation s’engagent dans la voie électorale avec une optique ne se limitant pas au test ou au témoignage mais bien en cherchant à être élus et à prendre des responsabilités, et donc s’insèrent dans le « jeu » partisan. Je crois qu’il appartient aux plus anciens d’ouvrir la voie et, pour le dire encore plus clairement, je pense que ceux qui s’en sentent à la fois la possibilité, les capacités et l’envie (ce dernier point me semblant tout aussi essentiel que les deux précédents) devraient se rapprocher de la force politico-électorale avec laquelle notre proximité – même si des différences indéniables existent – apparait la plus naturelle : le Rassemblement Bleu Marine.
Les élections municipales qui se dérouleront dans six mois me semblent le rendez-vous parfait pour que cette rencontre entre notre volonté d’action locale, au plus près de nos compatriotes, et ce rassemblement du camp antimondialiste qui se constitue puisse avoir lieu. Nous ne sommes pas du genre à rater les rendez-vous importants, et c’est pourquoi déjà dans plusieurs communes de France des identitaires apportent leur contribution à des initiatives de rassemblement dans le cadre des élections de mars prochain.
L’une de nos particularités – et lorsque nous nous en sommes éloignés cela ne nous a jamais vraiment réussi – a toujours été de nous situer en rupture avec « l’esprit de parti ». Peu nous importe que le Bloc Identitaire prenne une mairie ou que Nissa Rebela fasse élire des conseillers municipaux. Ce que nous voulons, ce à quoi nous devons travailler, c’est que des identitaires (ou même simplement des gens sur lesquels nous exerçons un attrait ou une influence intellectuelle) gèrent des villes ou mènent des oppositions fermes et déterminées. Bref, le plus important est que notre idéal soit la boussole de leur action, pas qu’ils aient une carte d’adhérent frappée du sanglier ou du lambda spartiate dans la poche.
Etre toujours en route pour Ithaque, c’est cela. Ça signifie garder en main la boussole (nous parlions souvent auparavant de « mouvement de l’Etoile polaire ») pour ne pas perdre la direction. C’est savoir que si les chemins peuvent différer, nous avons mené la même guerre et sommes en route pour la même île.
Philippe VARDON